Le sang des mots - atelier théâtre - Georges Bécot - Théâtre Stéphane Gildas - Paris - 2 mars 2019

Pour trouver le théâtre Stéphane Gildas il faut se rendre dans le 13ème arrondissement de Paris, pousser la porte d'un immeuble résidentiel doté d'un beau hall d'entrée art déco, pénétrer dans la cour intérieure, découvrir une porte où des escaliers vous font descendre dans les profondeurs qui  révèlent en sous sol la présence d'une vraie salle de théâtre, avec une vraie scène, de vrais projecteurs et quelques dizaines de fauteuils pour les spectateurs.
Georges Bécot a réuni là des comédiens pleins d'ardeur et de charme, (4 garçons et 3 filles) pour un spectacle atelier très intrigant où il intervient lui même comme acteur au milieu de la représentation. La salle, constituée d'amis et d'intimes, se remplit généreusement. Certains arrivent en retard et on fait interrompre la performance pour les installer. Une dame au fond de la salle tousse sans interruption pendant une heure et quart ce qui ne semble pas la déranger outre mesure. Les sept artistes font leur apparition l'un après l'autre sur la scène sur un fond noir dans un prologue muet d'une chorégraphie parfaitement réussie qui semble donner le ton de tout le spectacle. Ils sont tous vêtus de tenues sombres arborant chacun un accessoire rouge sang personnalisé: lui un noeud papillon, elle des talons hauts, lui une rose, elle un clip.... Tout ce petit monde va et vient en silence, se croise sans se voir, s'assoit, se relève, tourne en rond, perdu dans ses pensées, préoccupé, songeur, fébrile, en quête d'auteur?...
Après 10 minutes de ce rituel silencieux très bien mené, très fascinant et d'une grande intensité, l'une des artistes (Audrey Poulain) se lance face au public et commence à dire son texte. Ses camarades lèvent les yeux vers elle et se mettent à l'écouter comme s'ils découvraient à l'instant son existence. Débute alors un télescopage étonnant de grands textes de théâtre, choisis avec acuité, où se mêlent Eschyle, Victor Hugo, Musset, Koltès, Camus, Cendrars, Philippe Minyana et d'autres encore. L'interaction entre les acteurs prend forme. Chacun raconte son histoire et la troupe tend l'oreille et réagit. Il y a le Meursault de Camus qui enterre sa mère, l'Oreste d'Eschyle (Alexis Dubreuil) qui a tué la sienne, le condamné à mort de Victor Hugo (Nicolas Philippon) qui attend son sort, Cendrars et ses poèmes élastiques (Etienne Caloone), les femmes de Minyana qui évoquent leur compagnonnage avec leur lampadaire ou leur chien. On passe tour à tour de la noirceur à la cocasserie dans un cocktail à la fois touchant, grave et jubilatoire. La soirée prend forme autour de ses tranches de vie solitaires où les confessions, dramatiques ou drolatiques, laissent percevoir un fond d'amertume et d'humanité attendrissant. A deux reprises les artistes se regroupent sur l'avant scène pour nous entonner un hymne mystérieux aux bouchers de la Villette "Faut que ça saigne! Faut que ça saigne!"  (Boris Vian? Mais non crédité dans la fiche programme).
Parmi les artistes qui jouent ce soir, toutes les générations sont présentes. On est touché par le jeune Théo dos Santos avec sa rose rouge ("Aujourd'hui Maman est morte") et surtout par les deux ainées, Anna Lebovits, port de danseuse et chignon des beaux quartiers, et sa comparse,  Sylvie Boursier, rousse comme une infante, ("Je n'étais pas faite pour être une femme"). Elles deux disent leur texte avec maitrise, sobriété et intensité quand les plus jeunes forcent parfois le trait et sentent un peu plus l'artifice. On verrait bien Mlle Lebovits, avec ses airs détachés, souriants et compatissants, dans la Winnie d' "Oh les beaux jours" de Thomas Beckett.
Voilà une soirée très bien menée et très éloquente où l'on mesure que le théâtre peut aisément déployer sa magie, ses sortilèges et son pouvoir de fascination sans grande machine mais avec des ingrédients simples, pourvu qu'ils soient d'une qualité irréprochable: du talent et de grands textes.

Take your balloon with you on the stage:

Bohème (Guth - Paris),

Les Troyens (Tcherniakov - Paris),

Bohème (Grinda - Monte Carlo),

Tulipatan (Coudray - Etretat)

- L'époustouflant Lohengrin de Roberto Alagna à Bayreuth (août)

- Mme Harteros demeurėe invisible lors du Bal Masqué de l'Opéra Bastille (février)

- La magnificence des célébrations du bicentenaire Gounod à Opéra de Paris, prélude aux célébrations du bicentenaire Offenbach par cette même maison.

- Barenboim à Salzburg apostrophant le public qui n'avait pas la grâce d'attendre les bis de son Wedo (août)

2/ Lohengrin Bayreuth août: le rêve bleu de Delft de Yuval Sharon, Neo Rauch et Rosa Loy.

3/ Ivo Van Hove à Lyon (Macbeth, mars) et à Paris (Boris Godunov, juin): le scalpel décapant d'un vrai maître de la scène.

4/ Daniele Rustioni à Lyon (Attila, Macbeth, Don Carlos en mars, Mefistofele en octobre): la fougue irrésistible du jeune Muti.
5/ Laurent Pelly à Lyon/Lille (Roi Carotte, janvier) et à Paris (Elixir d'Amour, novembre): un magicien, dispensateur de bonne humeur et de bonheur.
6/ András Schiff dans Bach Salzburg août: la leçon hors norme d'un maître du clavier bien tempéré.
7/ Tézier dans Boccanegra à Paris, novembre et dans Ernani à Marseille, juin. Degout Rodrigo à Lyon, mars, Hamlet à Paris, décembre: les barytons français au sommet.
8/ George Crumb (Makrokosmos) par Stephanos Thomopoulos en mai: l'audace réjouissante d'un jeune pianiste qui n'a pas froid aux yeux.
9/ Blomstedt à Salzburg août: la radieuse répétition d'orchestre d'un jeune chef de 91 ans.
10/ Tristan Sellars/Viola à Paris, octobre : la magie toujours opérante des images de Bill Viola.